LES ANGLAIS – Célias Canger est un petit paysan âgé. Il habite à La Source, une localité de la commune des Anglais, le terroir des haricots noirs dans le département Sud d’ Haïti. Il ne se rappelle de ne jamais avoir possédé d’une houe ou d’une pelle pour travailler ses petites parcelles, ou que sa famille ou ses parents possédaient des outils pour travailler leur terre, sauf peut-être la machette.

Avant que la FAO ait distribué des houes, des dérapines, et des machettes de bonne qualité brésilienne, chez lui à La Source, ils ont toujours dû emprunter les outils d’un des grands propriétaires afin de pouvoir cultiver leur propre terre. Lui, en troque, exigeait deux jours de travail sur sa propriété par jour de prêt, pour chaque outil. Bien acquis pour le grand propriétaire qui se garantissait ainsi d’une main d’œuvre gratuite, mais mauvais pour le développement des propres parcelles aux petits agriculteurs qui par manque de soins ne rapportaient qu’ une récolte modeste.

“Chez nous, il n’ y a pas d’agriculture mécanisée”, dit Norpélus Paul André, animateur du projet de distribution d’outils de la FAO : “la terre est travaillée par les bœufs et par les gens. Typiquement, on travaille une semaine sur son propre lopin et pour le reste du mois on est occupé sur le terrain du grand propriétaire ; ainsi on n’aura jamais d’argent pour s’acheter une houe.”

“Ces outils ne m’ont pas seulement aidé, mais tout le village est mis en route,” dit Canger, “maintenant les grands propriétaires doivent nous payer s’ils veulent qu’on travaille pour eux, donc ça nous arrange en double.”
Léoné Ludger habite une grande maison au centre de la commune des Anglais. Il est propriétaire de 10 carreaux de terre fertile : c’est un des propriétaires les plus importants de la région. Ensemble, les petits paysans possèdent presque la moitié de la terre cultivable dans la région. Ils ont hérité leurs petits champs de leur père, ou ils les louent. Une dizaine de grands propriétaires possède l’autre moitié.

Aux mois de novembre et de décembre, pendant la campagne d’hiver des haricots, Ludger emploie de trente à trente-cinq personnes chaque jour et il paye 50 gourdes par personne pour une journée de travail. Il ne reste guère de main d’œuvre gratuite dans la région.

Malgré la mauvaise route, l’agronome Fritz Arné de la FAO s’est déplacé des Cayes à la commune des Anglais pour contrôler si la distribution d’outils est effectuée comme il faut. “A part les outils nous avons aussi distribué des semences de meilleure qualité. En général je dirais que plus de quatre mille cinq cent bénéficiaires ont pu compter sur nous. Ils peuvent rentabiliser leurs terres dans le périmètre irrigué. Leurs récoltes seront sans doute d’une qualité nettement supérieures par rapport à ce que ils obtiennent traditionnellement. Par ailleurs, beaucoup de gens commencent à se faire un potager auprès de leur maison: maintenant ils ont le temps et le matériel nécessaires pour y réussir.” Pour remercier la FAO, les villageois sont descendus sur la route en chantant et en dansant, secouant leurs outils en l’air. Avec grande satisfaction Arné rejoint la foule.

Cadre / Fichier
Suite à la hausse des prix des produits alimentaires en 2008 et le passage de quatre ouragans successifs, le gouvernement d’Haïti, avec un prêt du FIDA, a sollicité l’appui de la FAO en vue d’élaborer des projets de relance de la production agricole.
Ce programme d’urgence et de réhabilitation, d’une valeur de US$ 10 millions, a eu comme but le recouvrement rapide des moyens de subsistance des agriculteurs les plus touchés.
Dans le cadre de ce projet, la production agricole a été effectivement relancée par la distribution de semences de bonne qualité, d’outils aratoires et la formation des petits producteurs.

En termes d’outils, 24.600 kits ont été distribués dans tous les dix départements entre avril et décembre de 2009. Chaque kit consistait en général de trois outils: une houe, une pioche ou une dérapine et une machette, d’une valeur de $ 25 par kit.

Jean Mentens – FAO-Haïti
Décembre 2009